Définition, explications, conseils…
Moi, malade ? Mais pas du tout ! De nombreux aidants ont déjà entendu ces mots. Du déni ? Pas toujours : dans certains cas (AVC, maladie d’Alzheimer…), les lésions cérébrales empêchent le malade de réaliser son état. C’est ce qu’on appelle l’anosognosie. A quoi est-elle due ? Quels sont ses impacts et comment y faire face ? Explications.
L’anosognosie : définition et symptômes
Identifiée en 1914 par le neurologue français Joseph Babinski, l’anosognosie (du grec -a-, « sans » ; nosos, « maladie » ; gnosis, « connaissance ») est définie comme un « trouble neurologique caractérisé par la méconnaissance par le malade de la maladie dont il est atteint ».
En clair, le patient n’est pas conscient de sa maladie et de ses difficultés. Ou il en a conscience, mais les minimise fortement.
Il niera avoir été informé de sa maladie, ou, dans les cas où il se rappelle en avoir été informé, il affirmera de manière catégorique que les médecins se trompent. Il pourra aussi donner des explications farfelues à ses troubles, ou pour justifier un rendez-vous médical.
Même si leur manifestation est similaire, l’anosognosie est différente du déni : ce dernier est un mécanisme psychologique de défense par lequel le malade « choisit d’oublier » en quelque sorte son état. Dans le cas de l’anosognosie, ce sont des lésions cérébrales qui induisent une méconnaissance involontaire de sa maladie.
L’anosognosie : un trouble neurologique qui peut prendre plusieurs formes
Ce trouble peut être plus ou moins marqué :
- Un malade atteint d’une anosognosie légère ou modérée, par exemple, acceptera de reconnaître sa maladie si on lui en parle ou qu’on lui présente des preuves de son existence, comme un compte rendu d’examen ;
- D’autres malades admettent certaines déficiences, mais pas toutes : ils acceptent par exemple de dire qu’ils n’arrivent pas à se repérer dans l’espace, mais qu’ils n’ont aucun problème avec le temps, alors qu’ils en ont perdu la notion ;
- En cas d’anosognosie sévère en revanche, le malade n’admettra jamais son état.
D’après le neurologue Christian Derouesné, on peut distinguer trois types d'anosognosie :
- l'anosognosie mnésique : la différence entre la performance et l'état de la mémoire est perçue, mais non encodée en mémoire sémantique. Le sujet reconnaît l'erreur mais n'en tire pas de conclusion sur le fonctionnement de sa mémoire, du fait de l'absence de mise à jour de la base de données ;
- l'anosognosie exécutive : la performance altérée est perçue mais n'est pas signalée comme erreur, ce qui pourrait également être un mécanisme de fabulations ;
- l'anosognosie primaire : l'erreur n'est pas perçue comme telle. Dans ce type, la méconnaissance porte également sur d'autres déficits et la maladie. Le sujet exprime seulement les difficultés qu'il ressentait avant sa maladie.
Quelles sont les causes de l’anosognosie ?
L’anosognosie est donc un trouble neurologique, causé par des lésions du cerveau. Les troubles anosognosiques peuvent survenir dès qu’il y a une atteinte du système nerveux central, qui peut être due à :
- un traumatisme crânien,
- un accident vasculaire cérébral (10 à 18% des personnes en ayant subi souffrent d’anosognosie),
- une tumeur cérébrale,
- une hémiplégie,
- un trouble cognitif léger (60% d’incidence d’anognosie),
- une maladie neurodégénérative comme la maladie d’Huntington, le syndrome de Korsakoff ou d’autres troubles cognitifs.
C’est dans le cas de la maladie d’Alzheimer que l’anosognosie est la plus fréquente : les neurologues estiment ainsi que 8 malades d’Alzheimer diagnostiqués sur 10 souffrent d’un type d’anosognosie.
Existe-t-il des traitements pour l'anosognosie ?
Si l’anosognosie ne se soigne pas par voie pharmacologique, l’intervention d’une équipe médicales pluridisciplinaire peut permettre de mettre en place un traitement (ou plus précisément une rééducation. Cette équipe comprend généralement :
- un psychologue ou neuropsychologue, pour aider à la prise de conscience de la maladie, des incapacités ou déficits rencontrés,
- un orthophoniste, pour parvenir à verbaliser les difficultés rencontrées,
- un kinésithérapeute et/ou un ergothérapeute, pour aider à surmonter les incapacités et améliorer la qualité de vie.
Guérison ou atténuation de l’anosognosie
L’anosognosie est une maladie chronique, on n’en guérit donc pas totalement. Mais ces rééducations permettent parfois d'améliorer la conscience de la maladie.
Selon sa cause, elle peut d’ailleurs se résorber. Après un AVC par exemple, l’anosognosie peut s’atténuer dans un délai de trois à six mois. Après un traumatisme crânien, le délai moyen est supérieur à un an. En revanche, elle persiste en cas de maladie neurodégénérative.
Aidant d’une personne atteinte d’anosognosie : comment faire face ?
L’anosognosie d’un proche : un facteur d’épuisement pour l’aidant
Le fait que le malade nie sa maladie ou les difficultés qu’elle entraîne peut avoir des conséquences très négatives.
D’abord, il risque de refuser son traitement, puisqu’il estime ne pas en avoir besoin.
Ensuite, les mesures mises en places pour faciliter le quotidien risquent aussi de donner lieu à un rejet, comme la présence d’une aide à domicile ou la gestion des comptes par l’aidant. De même, les proches pourront se heurter à un refus d’arrêter de conduire.
Inconscients de leurs difficultés, les personnes anosognosiques sont aussi plus à risque de chute, de se mettre en danger.
L’anosognosie peut donc être source de conflits et de difficultés de prise en charge : de quoi rajouter au fardeau de l’aidant.
Pour aller plus loin : Burn-out de l’aidant : mesurer son épuisement avec l’échelle de Zarit
Conseils pour mieux gérer l’anosognosie d’un proche
Avant toute chose, il est essentiel que l’entourage en ait conscience. Si besoin, il peut être utile d’en parler avec le médecin traitant de la personne malade, qui pourra la diagnostiquer ou orienter vers un spécialiste.
Il est également primordial de comprendre que le malade ne ment pas, qu’il ne fait pas preuve de mauvaise volonté : en cas d’anosognosie sévère, ses proches auront beau lui répéter qu’il a des difficultés, essayer de lui en fournir la preuve, il sera impossible pour lui d’en prendre conscience.
Au contraire, essayer de convaincre la personne malade risque de conduire au conflit.
En revanche, si l’anosognosie est légère, le malade fait parfois preuve de lucidité quant à ses troubles : un levier pour mieux lui faire accepter aides et traitements.
Le psychiatre Xavier Amador préconise pour sa part d’écouter la personne, y compris ses perceptions erronées, plutôt que de chercher à lui faire entendre raison. Il s’agit de restaurer le dialogue pour arriver à une forme d’alliance, pour trouver ensemble des raisons d’accepter l’aide proposée ou les traitements.
Son approche repose sur quatre E :
Ecoute réflexive, ou écoute active, qui vise à comprendre le point de vue du malade, sans commenter ou donner son point de vue.
Empathie, qui permet au malade de se sentir écouté, respecté et donc de se sentir en confiance.
Entente : il s’agit de trouver un terrain d’entente, d’identifier les points sur lesquels le malade et l’aidant sont d’accord.
Engagement : le malade et son aidant (proche ou professionnel) planifient leur plan de collaboration pour atteindre les objectifs fixés ensemble. Par exemple, accepter d’être aidé pour les repas à condition que la personne malade reste décisionnaire des menus.
Bon à savoir :
Pour une relation apaisée, il faudra sans doute prioriser ses attentes, mettre de côté certaines exigences pour se concentrer sur ce qui est vraiment nécessaire, dans le but d’améliorer la qualité de vie de l’aidant comme de l’aidé.

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