Si personne ne devient réellement le parent de son parent, devenir l’aidant de son père ou sa mère en perte d’autonomie peut cependant en donner l’impression. C’est de cette inversion des rôles que témoigne le médecin et chroniqueur Vincent Valinducq dans son dernier ouvrage, paru en septembre 2023. Confronté à la maladie de sa mère, il fait le choix de prendre soin d’elle comme si elle était une toute jeune enfant. Une décision qui regarde chacun. En revanche, la loi française prévoit des dispositifs spécifiques, des obligations envers un parent en difficulté.
C’est une situation particulièrement difficile à vivre, mais qui touche des milliers d’aidants. Du fait de la maladie de leur parent, ils se retrouvent à assumer le rôle de l’adulte dans la cellule familiale : gestion de la maison, des tâches administratives, jusqu’à l’aide au repas ou à la toilette…
Le parent n’est plus celui qui protège son enfant, c’est même tout l’inverse, et ce n’est pas dans l’ordre des choses. Ce phénomène a même un nom : on parle de « parentification », que les psychothérapeutes considèrent comme néfaste lorsqu’elle concerne un enfant mineur.
Pourtant, la législation française pose des exigences pour les enfants adultes, et prévoit diverses formes de soutien et de protections légales pour un adulte en difficulté.
L’obligation alimentaire face aux difficultés financières
A commencer par l’obligation alimentaire. Le Code civil dispose dans son article 205 que « les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ».
Des aliments, concrètement, ce sont des sommes versées à une personne pour lui permettre d’assurer ses besoins quotidiens : se loger, se nourrir, se soigner…
Quand un parent n’arrive pas à subvenir à ces besoins, ses descendants peuvent trouver un accord à l’amiable. Mais s’ils n’y parviennent pas, ou refusent d’aider leur parent, alors celui-ci pourra saisir le juge aux affaires familiales.
Pour les personnes âgées en Ehpad qui ne peuvent payer la facture, il est possible de demander dans certains établissements habilités une aide sociale à l’hébergement. Cette aide est versée par le Conseil départemental, qui fera au préalable une demande d’obligation alimentaire auprès des descendants.
Qui est concerné ?
Les enfants, leurs époux (les partenaires de Pacs et les concubins ne sont pas tenus de participer), ainsi que les petits-enfants. Même s’ils ne s’entendent pas avec le demandeur : seuls les enfants qui ont été retirés de leur famille, ou dont le parent a perdu l’autorité parentale, ou a manqué gravement à ses obligations (abandon de famille, violences…) en sont dispensés.
Le Conseil départemental, ou le juge en cas de litige, calcule ensuite la participation de chaque descendant selon ses revenus et ses charges.
BON À SAVOIR :
S’il ne verse pas ce qu’il doit pendant plus de deux mois, un obligé alimentaire risque une peine d'emprisonnement de 2 ans et 15 000 euros d'amende.
Les mesures de protection juridique pour préserver les intérêts d’un parent
La loi prévoit par ailleurs différents dispositifs pour protéger une personne majeure « qu'une altération de ses facultés personnelles met dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts ». Mais elles ne sont pas toutes de la responsabilité des enfants.
Réponse graduée
Chacune de ses mesures correspond à un degré différent d’altération des facultés, et limite plus ou moins la liberté d’action du majeur protégé.
Ainsi :
- la sauvegarde de justice requiert uniquement l’intervention d’un mandataire pour les actes importants, comme la vente d’un bien immobilier ;
- la curatelle laisse le majeur effectuer les actes de la vie courante librement, mais pas la vente ou l’achat d’un bien. La curatelle peut être simple ou renforcée ;
- la tutelle limite les droit du majeur aux actes personnels (choix du lieu de vie, vote, mariage…), tous les autres sont accomplis par le tuteur ou avec son assistance.
BON À SAVOIR :
Un enfant peut être nommé mandataire, curateur ou tuteur de son parent, à la discrétion du juge. Mais il reste libre d’accepter ou non d’assumer ce rôle.
Même si trois Français sur quatre se disent prêts à le faire, dans les faits, seule une mesure de protection sur deux échoit à un membre de la famille. Les autres sont confiées à des professionnels, les mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
Gros plan sur l’habilitation familiale
Comme son nom l’indique, l’habilitation familiale, en revanche, revient forcément à un membre de la famille.
Il s’agit d’une mesure moins contraignante que les autres, dans la mesure où une fois l’habilitation délivrée, il n’y a en général plus de contrôle par le juge. Il peut néanmoins intervenir en cas de difficultés.
Née en 2015, l’habilitation familiale rencontre de plus en plus de succès. En 2020, plus de 38 000 demandes avaient été adressées aux tribunaux, contre 6300 en 2016, et 28 500 accordées (2800 en 2016).
La demande s’effectue auprès du tribunal judiciaire ou de proximité du domicile de la personne à protéger, sur papier libre ou en utilisant un formulaire dédié. Elle doit être accompagnée d’un certificat médical circonstancié, établi par un médecin habilité (liste disponible auprès du procureur de la République), et éventuellement d’ attestations écrites des différents membres de la famille afin que le juge puisse constater leur accord.
En effet, l’habilitation familiale ne sera délivrée que s’il existe un consensus familial.
Portée de la mesure
L’habilitation peut être générale ou porter uniquement sur des actes précis. Les enfants peuvent être habilités, mais aussi les frères et sœurs de la personne à protéger, ses parents, son conjoint…
Parfois, plusieurs membres de la famille se partagent la mesure, dans les conditions définies par le juge. L’un pourra être en charge des décisions relatives aux biens, l’autre à la personne du majeur protégé.
Les habilités peuvent représenter la personne ou simplement l’assister dans ses décisions : là encore, le juge établit la portée précise de la mesure.
À lire aussi : Pour en savoir plus sur l’habilitation familiale, consulter le guide de l’Union nationale des associations familiales de mars 2023.