Synonyme d’abus pour certains, la tutelle a mauvaise presse auprès d’un Français sur cinq. Pourtant, au même titre que la curatelle, l’habilitation familiale ou la sauvegarde de justice, il s’agit d’une mesure strictement encadrée par la loi. Son objectif est de protéger une personne rendue vulnérable (en raison d’un handicap, d’une maladie ou de l’âge), tout en préservant au maximum ses droits et libertés.
C’est particulièrement vrai pour la plus connue et la plus contraignante d’entre elles : la tutelle.
Or depuis 2019 et la loi de programmation et de réforme pour la Justice du 23 mars, les droits des personnes protégées ont été nettement renforcés. L’habilitation familiale, mesure de protection la plus « flexible », est d’ailleurs devenue nettement majoritaire (39 000 mesures prononcées en 2023, contre 33 000 curatelles et 28 000 tutelles).
Avec cette réforme, nombre de reproches qu’on pouvait adresser aux mesures de protection juridiques ont été corrigés. Mais les croyances ont la vie dure… alors démêlons le vrai du faux.
Idée reçue n°1 : les personnes sous tutelle n’ont pas le droit de voter
C’est faux. Depuis la réforme des tutelles de 2007, les personnes sous mesure de protection juridique conservent leur droit de vote.
Avant 2019, le juge des tutelles (aujourd’hui juge des contentieux de la protection) pouvait encore supprimer ce droit selon l’avis d’un médecin. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Plus généralement, les majeurs protégés conservent des droits fondamentaux :
- le droit de recevoir du courrier,
- de choisir librement leurs relations personnelles,
- d’héberger les personnes qu’ils désirent,
- d’être informés, de façon claire, sur le déroulement de la mesure de protection.
Bon à savoir
L’Union nationale des associations familiales propose un guide pratique à consulter en ligne pour faire le point sur les droits et devoirs des personnes concernées.
Idée reçue n°2 : la personne protégée ne peut pas désigner son tuteur
Ça dépend. C’est normalement le juge qui désigne la ou les personnes chargées de la mesure de protection.
Sauf si la personne à protéger a établi un mandat de protection future. Dans ce cas, les personnes désignées dans le mandat seront prioritaires pour être nommées tuteur(s).
Cette démarche est possible seul (hors mesure de protection) ou avec l’aide du curateur (sous curatelle). Il s’agit d’un contrat signé entre le mandant et le mandataire, portant sur l’assistance dans la vie personnelle et/ou la gestion du patrimoine.
Ce contrat peut être réalisé :
- devant notaire (contrat notarié),
- sous seing privé (entre particuliers), mais limité à certains actes (ex. : actes d’administration, pas de disposition).
Un registre national des mandats de protection future a été créé par décret en novembre 2024. Il est tenu par le ministère de la Justice et consultable par les professionnels habilités.
Idée reçue n°3 : les personnes sous tutelle peuvent être placées en Ehpad contre leur gré
C’est faux. Un adulte, même sous tutelle, reste libre de choisir son lieu de vie. Les Ehpad doivent s’assurer de son consentement.
Seul le juge des contentieux de la protection peut imposer un placement, et uniquement si la personne ne peut rester à domicile sans danger.
Pour décider, le juge doit disposer d’un avis médical. Idéalement, celui-ci est délivré par un médecin agréé (liste disponible sur le site de la cour d’appel). Tout médecin, sauf celui de l’Ehpad, peut établir un certificat de non-retour à domicile (25 €).
Idée reçue n°4 : le tuteur est tenu de rendre des comptes à la famille
C’est faux. Le tuteur doit rendre des comptes uniquement au juge. Chaque année, il remet un compte de gestion listant dépenses et recettes au tribunal, avec justificatifs.
Le tuteur n’est donc pas obligé d’informer la famille. Toutefois, si le majeur protégé en fait la demande, le juge peut transmettre ce compte aux proches concernés.
À noter : le compte de gestion est requis uniquement en tutelle ou curatelle renforcée.
Idée reçue n°5 : les tuteurs professionnels volent l’argent des personnes protégées
C’est faux. Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM) sont formés, agréés, assermentés et contrôlés. Ils rendent des comptes au juge.
Dans la mesure du possible, la tutelle est confiée à un membre de la famille. Mais dans un cas sur deux, c’est un MJPM qui est nommé.
Les frais sont encadrés :
- moins de 1000 € mensuels : gratuité,
- au SMIC : 77 € maximum,
- au-delà de 9500 € : environ 400 € par mois.
Ces frais sont déductibles des impôts et peuvent être réduits ou pris en charge par l’État si besoin.
Enfin, comme dit plus haut, le tuteur (professionnel ou non) doit rendre des comptes au juge. Les abus sont donc limités.
Idée reçue n°6 : si le tuteur s’occupe mal de mon proche, je ne peux rien faire
C’est faux. Les proches peuvent demander un changement de tuteur ou signaler des manquements au juge.
Pour cela, il faut envoyer un courrier circonstancié. Le juge peut alors :
- convoquer le tuteur, le majeur protégé et la famille,
- répondre par écrit,
- ou demander au MJPM d’échanger avec les proches.
Tutelle : quelques ressources utiles
- ISTF (Services d’information et de soutien aux tuteurs familiaux) : présents dans tous les départements, contactez votre tribunal de proximité.
- Guide pratique « Tutelle, curatelle, etc. », Richard Amable et Véronique Bonpain (Éd. du puits fleuri).
- Les carnets de France Tutelle : guides pratiques payants.
- Guide des droits et démarches des personnes protégées (Unaf).